Une armée face au dilemme : le 1er régiment de France sous l’Occupation
Quand on pense à Vichy, il faut distinguer deux périodes : celle de la Zone dite libre entre 1940 et 1942, et celle d’une administration de plus en plus réduite à un rôle fantoche, sans véritable contrôle du territoire. L’événement qui nous intéresse ici est relativement inattendu. Après l’armistice, l’Allemagne humilie la France mais lui permet de conserver la zone Sud, ses colonies et une armée limitée à 100 000 hommes. La suite est connue : le 11 novembre 1942, l’Allemagne envahit la zone libre (opération Attila) et, le 27 novembre 1942, l’armée d’armistice est dissoute.
Contrairement aux unités des Forces françaises libres ou aux maquis, le 1er régiment de France n’a pas bénéficié d’une mémoire héroïque. Et pour cause, il allait à l’encontre même d’une France résistante voulue par De Gaulle. Finalement, ce régiment rappelle surtout que la guerre a souvent été une affaire de choix personnels autant que de grands engagements idéologiques.
Le 1er régiment de France illustre parfaitement les ambiguïtés de l’armée française sous l’Occupation. Entre officiers restés fidèles à la légitimité du Gouvernement issu de la chute de la 3e République et ceux partis en exil à Londres, un écart se crée.
L’invasion de la zone libre marque un second tournant où l’Occupation allemande permet à plusieurs de franchir le Rubicon en passant du côté de la France libre (comme De Lattre).
Pour Vichy, cette dissolution est un coup dur : le régime perd toute capacité militaire et symbolique. Pierre Laval obtient alors, après plusieurs tractations, l’autorisation allemande de créer une nouvelle force française, soumise à la surveillance allemande. Le 15 juillet 1943 sont ainsi créées les Forces armées gouvernementales (FAG), qui comptent entre 5 000 et 7 000 hommes.
Au cœur de cette force, un régiment se distingue : le 1er régiment de France, vitrine militaire et symbole de l’autorité vichyste.
Comme le souligne Robert Paxton dans La France de Vichy, cette création s’inscrit dans une logique de « collaboration d’État » : Vichy tente de préserver une façade d’indépendance tout en obéissant aux exigences allemandes. Le nom même du régiment, « 1er régiment de France », est un symbole fort, destiné à affirmer que le gouvernement de Vichy reste le représentant légitime de la nation face à la France libre et à la Résistance. Olivier Wieviorka, dans Histoire de la Résistance, parle d’une « guerre des légitimités » où chaque camp prétend incarner la « vraie France ».
Comme le souligne Robert Paxton dans La France de Vichy, cette création s’inscrit dans une logique de « collaboration d’État » : Vichy tente de préserver une façade d’indépendance tout en obéissant aux exigences allemandes. Le nom même du régiment, « 1er régiment de France », est un symbole fort, destiné à affirmer que le gouvernement de Vichy reste le représentant légitime de la nation face à la France libre et à la Résistance. Olivier Wieviorka, dans Histoire de la Résistance, parle d’une « guerre des légitimités » où chaque camp prétend incarner la « vraie France ».
Pourtant, les Allemands ne font qu’une confiance très restreinte à cette nouvelle armée. Le régiment est déployé dans le Centre de la France, avec des garnisons à Saint-Amand-Montrond, Dun-sur-Auron et Le Blanc. Chaque garnison est volontairement éloignée des autres afin de limiter toute action coordonnée. Quant aux effectifs, ils sont estimés à environ 2 000 à 2 760 hommes, composés d’anciens militaires de l’armée d’armistice, de jeunes engagés volontaires et d’officiers restés fidèles au régime. Jean-Pierre Azéma le décrit comme une « armée de substitution », mêlant vétérans expérimentés et recrues peu formées.
Le matériel est rudimentaire : quelques camions, motos, side-cars, beaucoup de chevaux et de traction hippomobile, et des armes françaises fournies progressivement à partir de décembre 1943 (MAS 36, MAS 38, Hotchkiss, mortiers Brandt).
Officiellement, le régiment est chargé du maintien de l’ordre et de la protection des infrastructures stratégiques (voies ferrées, barrages, lignes électriques). Il participe également à quelques opérations de répression contre la Résistance, documentées à Ussel ou Vaussujean (Creuse) en 1944, où certains détachements ouvrent le feu sur des maquisards.
L’année 1944 marque un tournant. Après le débarquement allié en Normandie le 6 juin, le régiment est profondément déchiré. Des désertions individuelles ou en petits groupes se multiplient, certains rejoignent les FFI, tandis que d’autres restent fidèles au régime.
Le régiment se désagrège progressivement et disparaît lors de l’effondrement de l’État français en août 1944. Certains officiers rejoignent la Résistance tandis que d’autres suivent le chemin de la collaboration, intégrant la LVF ou la Milice.
Contrairement aux unités des Forces françaises libres ou aux maquis, le 1er régiment de France n’a pas bénéficié d’une mémoire héroïque. Et pour cause, il allait à l’encontre même d’une France Résistante voulue par De Gaulle. Finalement, ce régiment rappelle surtout que la guerre a souvent été une affaire de choix personnels autant que de grands engagements idéologiques. Après tout, De Gaulle n’a-t-il pas été un jour le poulain de Pétain ?
Mais ça, ça se trouve dans d’autres vestiges où l’histoire attend, patiemment, d’être racontée…
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Jean-Eudes Morante
Image : Affiche de propagande du 1er Régiment, année et auteur inconnu
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