Les étendards dans la messe : à quoi servent-ils vraiment ?

Dans les processions religieuses, on retrouve parfois des bannières et des étendards portés par des scouts, des confréries ou des laïcs. Leur présence peut intriguer et pour cause ; leurs couleurs et leur mouvement ajoutent une note de fraîcheur à une procession d’entrée que l’on connaît bien. Mais ces étoffes ne sont pas là par hasard. Derrière ces morceaux de tissu se cache une véritable signification spirituelle et communautaire.



Les étendards représentent des communautés, c’est à dire des groupes d’individus unis par une foi, une mission ou une histoire commune. Chaque bannière raconte quelque chose : celle d’un village, d’une tradition locale, d’une confrérie, d’un groupe de jeunes. Dans la procession, elles sont placées derrière la croix, jamais devant, car la croix du Christ demeure le seul et unique chemin à suivre. La procession elle-même symbolise notre pèlerinage vers le ciel : le passage de l’assemblée vers l’autel (souvent situé en hauteur) évoque la montée vers la montagne du sacrifice. Les bannières ne rivalisent donc pas avec la croix ; elles la servent. Elles expriment visiblement la diversité du peuple de Dieu, uni autour d’un même centre.

Les premières bannières chrétiennes remontent à l’Antiquité tardive. À l’époque où les armées romaines portaient leurs vexilla, les chrétiens ont repris ce symbole pour témoigner non d’une puissance militaire, mais de la victoire spirituelle du Christ. Ainsi naquit l’idée, reprise par les Pères de l’Église et les liturgistes médiévaux, de la procession comme une marche triomphale du Christ ressuscité. Saint Paul écrivait : « Grâce soit rendue à Dieu, qui nous fait toujours triompher dans le Christ » (2 Co 2,14). Dès lors, les processions devinrent comme un cortège royal et pascal : la croix ouvre la marche, les bannières accompagnent le Roi des rois vers le Saint des saints, le cœur de l’église et là où se déroule le plus beau des sacrifices : l’autel.

Si l’on observe attentivement une procession, on voit les bannières s’incliner lorsqu’elles passent devant la croix, l’autel ou le Saint-Sacrement. Ce geste a une signification profonde : c’est un acte de vénération, une manière de dire que toute gloire humaine s’incline devant la gloire de Dieu. Ce rite trouve ses racines dans les coutumes féodales, où l’on abaissait l’étendard devant le roi en signe d’hommage. L’Église a conservé ce geste, mais en l’orientant vers le Christ-Roi présent dans son Église.

N’étant pas des objets liturgiques, les bannières ne pénètrent pas dans le chœur : elles s’arrêtent à ses portes ou à proximité et s’inclinent. Lors de l’élévation, quand le Corps du Christ est offert, elles s’inclinent à nouveau, en signe de profond respect et d’adoration. Ce mouvement, plein de sens, rappelle d’autres gestes d’honneur dans la vie civile : comme les drapeaux militaires qui s’abaissent devant le chef de l’État, non pour honorer une personne, mais pour reconnaître une autorité supérieure. Dans l’Église, cette autorité est celle du Christ.

En fin de compte, les étendards dans la messe ne sont pas de simples souvenirs folkloriques. Ils sont le visage visible d’une Église en marche, rassemblée par la croix. Ils racontent la fidélité, la mémoire et la ferveur de générations de croyants. Alors, la prochaine fois qu’une bannière passe devant toi en procession, souviens-toi : ce n’est pas du tissu qui avance, c’est la foi d’un peuple qui se déploie au vent de l’Esprit.


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Jean-Eudes Morante

Image : AFP - Bannières des paroissiens à la réouverture de Notre Dame de Paris

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